UN PEU DE CLASSEMENT…
… DANS LES AFFAIRES NON-CLASSEES

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Le créateur de la série (Chris Carter) monte sur scène et s’assoit aux côtés du maître de cérémonie. Il est applaudi. L’acteur Mitch Pileggi entre à son tour. Il s’installe en laissant entre Chris carter et lui deux fauteuils vides. Il est applaudi. La lumière baisse. Une fine brume d’obscurité se dépose sur la scène et sur le public. Deux faisceaux croisés de lumière bleutée apparaissent. Les acteurs David Duchovny et Gillian Anderson, avec à leur main les lampes torches devenues iconiques de leurs personnages, entrent en dernier. Et là, ils ne sont pas applaudis. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas seulement applaudis. Là, c’est le délire. Pour l’un d’entre eux, ce n’est pas seulement le délire. Pour l’un d’entre eux, dans le petit public ce jour-là, c’est le délire bruyant et brûlant d’une Beatlemania intimiste.

On le sait aujourd’hui : fans de paranormal ou rationalistes purs et durs de durs, amateurs de Science-Fiction ou de Romance (contenue), tout le monde (ou à peu près), s’est identifié, au début des années 90, aux agents du FBI Fox Mulder et Dana Scully de la série X-Files. Une identification d’une intensité rare. Le secret ? On a vu dans l’article précédent (cliquez ici : …) que le vecteur de l’identification est principalement le désir. Fox Mulder désire retrouver sa jeune sœur Samantha Ann, enlevée sous ses yeux lorsqu’elle avait huit ans et que lui-même était tout jeune, par, selon lui, des extraterrestres. Dana Scully est mutée aux affaires non-classées auprès de Mulder ; sa formation scientifique et son esprit sceptique font qu’elle désire démasquer les évènements étranges pour prouver qu’ils sont explicables rationnellement.

Voilà pour leurs désirs explicites. Par une écriture subtile, par une mise en scène elliptique et un jeu d’acteurs tout en retenue, le spectateur comprend également (et rapidement) que Mulder a un faible pour Scully, et que Scully trouve Mulder à son goût (si, si !). C’est implicite. Or, leurs taches respectives prennent tout leur temps : ils n’ont pas le loisir de se laisser aller à cette romance à peine suggérée. Fox et Dana ont donc un double désir contradictoire. Leur pouvoir identifiant semble pourtant irrépressible ; plus fort encore que celui de la bien aimée et charmante sorcière Sam (« Bewitched »), plus puissant aussi que le jeune Padawan Luke (« Star Wars »), deux cas étudiés auparavant dans ce blog. La dynamique du désir chez les héros de X-Files est-elle plus complexe encore ?

La vérité est ailleurs (et ici, aussi)

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Il existe deux formes (très proches) de désir que j’appellerai « Une vérité qui peine à être entendue » et « Une vérité qui ne doit pas être sue ». Encore une fois nous en trouvons des exemples dans la culture sérielle populaire à la télévision. Dans « The Invaders » (« Les Envahisseurs ») — nous sommes à la fin des années 60 –, le personnage principal, David Vincent, alors qu’il s’assoupit au volant de sa voiture (une nuit où il cherchait un raccourci que jamais il ne trouva), est témoin de l’atterrissage d’une soucoupe volante. Dès lors il va devoir convaincre ses concitoyens que des extraterrestres, sous une apparence humaine, envahissent la terre et que le cauchemar a déjà commencé — qui n’a jamais vu le générique ? Seulement voilà, le hic c’est que personne ne le croit. Cette vérité peine à être entendue.

Au début des années 2000, apparaît une série qui marquera les esprits somnolents, habitués depuis longtemps aux mêmes situations dramaturgiques : « Dexter ». Car oui, le héros, expert en médecine légale à la police de Miami, est également (du jamais vu !) un tueur en série. Cette vérité ne doit pas être sue. Deux désirs forts, qui permettent une tension narrative forte, et, dans le même temps, une identification aux personnages. Revenons à Mulder. Il a déjà, comme Luke Skywalker, un double désir contradictoire. Oui mais, il détient en plus une vérité qui, comme pour David Vincent, peine à être entendue : les extraterrestres fomentent un complot planétaire avec la complicité d’un gouvernement secret. De son côté, Scully a été envoyée aux affaires non classées pour surveiller les agissements de Mulder : vous avez compris, c’est, tout du moins au début, une vérité qui ne doit pas être sue.
Une synthèse ? Fox Mulder serait, du point de vue des désirs, une sorte d’articulation entre Luke Skywalker et David Vincent, Scully un tressage de Samantha (de Ma Sorcière Bien Aimée) et de Dexter.

Un agent du FBI nommé désir

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Difficile — possible, probablement possible, mais difficile ! — de construire des personnages plus identifiants, donc, que Fox Mulder et Dana Scully. Désir explicite en contradiction avec un désir implicite, une vérité qui ne parvient pas à être entendue et une vérité qui ne doit pas être sue : les deux semblent à égalité. Je suis sorti du cadre de l’écriture. Je suis allé voir ailleurs que la construction dramaturgique. J’ai questionné la Pop-Culture en intégrant dans mon enquête les acteurs eux-mêmes (David Duchovny et Gillian Anderson). J’ai regardé des vidéos d’interviews, de comic cons, de tables rondes autour de la série X-Files où tous deux étaient invités devant un parterre de fans en transe extatique (toujours) enfiévré et (continûment) respectueux.

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Et j’ai consulté les réseaux sociaux. Le nombre de Followers. Même s’il contient une part non négligeable de subjectivité (je ne me suis pas appuyé sur des statistiques), mon constat est que Gillian Anderson est devenue plus iconique encore que David Duchovny. Le comédien est apprécié, applaudi pour son humour très britannique, reconnu pour son talent qu’il est parvenu à déployer dans son après X-Files, mais c’est l’actrice qui fait l’objet du culte le plus fébrile. Un exemple ? Tapez « X-Files » sur Google. Cliquez sur l’entrée Wikipédia. Allez à la rubrique distribution et, très logiquement au regard de l’intrigue, le premier de la liste est David (David, je peux vous appeler David ? Merci…), la deuxième est Gillian (je peux ? Merci…). Sauf que, la première entrée, celle que propose Google en Pôle Position, celle qui déroule bien avant Wikipédia une distribution avec photos des acteurs à l’appui, cette entrée-là, contre toute attente et cohérence dramaturgique, propose Gillian Anderson sur la première marche.

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On peut se poser plusieurs questions : l’actrice est-elle meilleure comédienne que l’acteur ? Le personnage de l’agent Dana Scully portait-il sur ses épaules tremblantes mais fortes, plus d’enjeux sociétaux que celui de Fox Mulder ? Autant de pistes qu’on pourrait raisonnablement creuser. Je ne les ai pas creusées. Je suis retourné — après une escapade dans la sociologie des séries et dans la psychologie différentielle —, à l’écriture. A la dramaturgie. J’ai repensé au fameux poster bien en vue — et dès le premier épisode — du bureau chaotique de l’agent Fox Mulder. Sous l’image de la soucoupe volante, il n’y a pas écrit « Je crois ». Le débat Mulder/Scully n’est pas « Je crois vs Je sais ». Non, ce qu’on peut lire sous l’OVNI que David Vincent ne renierait pas, c’est « Je veux croire » (I Want To Believe). Fox Mulder a la farouche volonté de croire.

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C’est le choix d’une tension. C’est le choix d’une dynamique qu’il entretient avec toute sa force désirante. C’est un désir. Alors oui, je ne l’avais pas vu au(x) premier(s) regard(s), mais le plus désirant des deux est Mulder. Et s’il est le plus désirant des deux, c’est celui auquel on s’identifie le plus. J’ai encore besoin de préciser ? Si c’est celui auquel on s’identifie le plus, s’il est celui à la place duquel on se met le plus, alors, à travers ses yeux, c’est Scully qu’on regarde…
… C’est Scully qu’on désire. CQFD ? CQFD !

images © 20th Century Fox Television

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Onze poèmes en vers libres, clôturés par onze haïkus, une nouvelle en guise d’épilogue : « le seul bleu qu’autorise La Nuit« , texte qui articule divers genres littéraires, déploie pour autant une seule et même intrigue. Une seule et même histoire dont Bernard Dato dévoile un pan seulement. A vous de monter sur la scène de ce qui se joue et de lever le voile sur ce qui demeure dans l’ombre de sa narration. A vous de découvrir l’unique nuance bleutée que la nuit nous livre… La journaliste qui enquête sur la mystérieuse tonalité nocturne et sur un « Couple Etrange« , sera ravie de votre aide.